Le format M.2 se fait de plus en plus courant, notamment pour les SSD. Mais derrière cette dénomination se cache une multitude de possibilités : largeur, longueur, épaisseur ou clé. De quoi nous inciter à nous pencher sur ce standard pour vous proposer un petit guide de survie.
Auparavant connu sous le nom de NGFF (Next Generation Form Factor) et poussé par Intel lors de l'IDF 2012, le M.2 se démocratise depuis quelques années sur les cartes mères des ordinateurs de bureau, en plus des portables. Pour le grand public, il est le plus souvent synonyme de SSD ultra-compacts, s'installant directement sur les cartes mères.
Mais tous les SSD M.2 ne se valent pas et ne sont pas compatibles avec tous les emplacements M.2. Ils comportent en effet des détrompeurs afin de distinguer leurs possibilités, notamment au niveau des interfaces gérées.
Pour bien comprendre ces différences, un plongeon dans les caractéristiques techniques s'impose. Surtout qu'il serait injuste de restreindre ce connecteur aux SSD, puisqu'il ouvre bien d'autres possibilités : carte Wi-Fi et/ou Bluetooth, modem 4G, récepteurs GPS, ports USB, Ethernet Gigabit, etc.
Le M.2 prend le relais des mSATA et mPCIe
Avant de commencer, un rapide historique : lancé officiellement en novembre 2013, le M.2 succède à deux formats utilisés ces dernières années : les PCI Express Mini Card (mPCIe) et mini S-ATA (mSATA) lancés en 2007 et 2009.
Dans les deux cas, l'idée était la même : adapter un connecteur classique à un encombrement bien plus réduit. De quoi permettre une installation dans les ordinateurs portables et autres mini PC. Déjà, mPCIe et mSATA partageaient un même connecteur, sans pour autant être compatibles électriquement. Un port pouvait donc supporter l'un, l'autre ou les deux.
Le M.2 devait aller plus loin et ouvrir bien plus de possibilités. Pour cela, il propose de nombreuses combinaisons tant en termes de design que d'interfaces, sans pour autant permettre un branchement à chaud.
16 à 30 mm de large, jusqu'à 110 mm de long
Ce standard est définit conjointement par le PCI SIG (consortium chargé du développement du PCI Express) et la SATA-IO (organisation en charge du S-ATA). Si le mPCIe/mSATA exploite des dimensions fixes de 30 x 50,95 mm, le M.2 est bien plus flexible, avec différentes possibilités :
•.Largeur de 12, 16, 22 ou 30 mm
•.Longueur de 16, 26, 30, 42, 60, 80 ou 110 mm
Attention, toutes les combinaisons ne peuvent pas être exploitées. Dans le cas des SSD, la largeur est ainsi forcément de 22 mm, tandis que la longueur varie entre 30 et 110 mm. Les fabricants le précisent généralement dans la référence : un SSD M.2 2260 mesure ainsi 22 x 60 mm, contre 22 x 80 mm pour un 2280.
La longueur de 80 mm est la plus répandue actuellement pour les SSD. Le 22110 reste encore assez rare mais permet de monter plus haut en capacité, plus de puces pouvant prendre place sur le PCB. Cette caractéristique nécessite un premier point de vigilance, notamment lors du choix d'une carte mère, dont les ports peuvent être limités à une certaine longueur.
Ainsi, dans un emplacement de 42 mm, il sera impossible d'installer un SSD de 80 mm. Le contraire est par contre généralement proposé avec différents emplacements pour la vis de fixation.
Simple ou double face
Les périphériques M.2 sont simple ou double face, c'est-à-dire qu'ils comportent des composants uniquement sur le dessus ou des deux côtés du PCB. Certains constructeurs comme Crucial parlent de format M.2 SS (Single Side) ou DS (Double Side), mais cette appellation n'est en rien officielle.
Le PCI SIG distingue pour sa part deux catégories de produits : « S » pour simple face et « D » pour double face. Plusieurs épaisseurs sont possibles dans chaque cas :
•.Simple face : de S1 (1,2 mm sur le dessus) à S3 (1,5 mm)
•.Double face : de D1 (1,2 mm dessus, 1,35 mm dessous) à D5 (1,5mm dessus et dessous)
Toutes ces valeurs sont valables pour les modules M.2 à installer dans un emplacement. Dans le cas des produits directement soudés à la carte mère, d'autres possibilités sont proposées en matière de largeur (20 et 28 mm), de longueur (20, 24 et 28 mm) et d'épaisseur (S4 de 1,75 mm et S5 de 2 mm). Elles sont détaillées par ici.
Quatre clés : A, B, E et M
Un autre élément est très important à connaitre concernant les périphériques M.2 : la clé (ou key). Elle représente la ou les interfaces supportées. Plusieurs choix sont en effet autorisés en M.2 : S-ATA et PCI Express sont sans aucun doute les plus répandues car utilisées par les SSD, mais il en existe d'autres comme USB et SDIO par exemple.
La clé doit permettre de les différencier. Selon les documents du PCI SIG, elles sont au nombre de douze, mais pour le moment seules quatre sont exploitées : A, B, E et M :
•.Key A : 2x PCI Express x1, USB 2.0, I2C ou Display Port x4
•.Key B : PCI Express x2, S-ATA, USB 2.0/3.0 (avec HSIC/SSIC), I2C ou Audio
•.Key M : PCI Express x4 ou S-ATA
Les autres lettres sont réservées pour un usage futur ou bien pour des usages non standards.
Pour rappel, un SSD M.2 en S-ATA propose les mêmes débits théoriques qu'un modèle classique ou mSATA, soit 6 Gb/s. En PCI Express, la bande passante est sans commune mesure puisqu'elle peut être de 32 Gb/s au maximum (PCIe 3.0 x4), soit 4 Go/s. Des chiffres qui peuvent désormais être atteints par des SSD grâce au protocole NVMe, remplaçant l'AHCI.
Pourquoi certains modules ont deux clés ?
Les clés A et E sont utilisées pour les cartes Wi-Fi (et autres modules pour la connectivité), tandis que les clés B et M servent majoritairement aux SSD. Il existe néanmoins des exceptions, notamment avec les cartes WWAN (Wireless Wide Area Network) qui ont une clé B. La clé est importante, car elle impose l'emplacement des détrompeurs.
Ainsi, une carte/SSD M.2 avec une clé B ne pourra s'installer que dans un emplacement B, de même avec les lettres A, E et M. Certains modules M.2 peuvent combiner deux clés : B + M ou A + E. Ils ont alors deux encoches leur permettant d'être installées indifféremment dans un emplacement B ou M dans le premier cas, contre A ou E dans le second.
Une nomenclature générale (voir image ci-dessous) a été mise en place pour le PCI SIG afin de s'y retrouver plus facilement. Elle ne regroupe malheureusement pas toutes les possibilités et n'est pas vraiment utilisée par les fabricants de cartes mères ou de modules M.2, dommage.
Ainsi, un module M.2 de type 2280 - D5 - B - M mesure 22 mm de large, 80 mm de long, il est double face (épaisseur de 1,35 mm dessus et 1,5 mm dessous) et peut s'installer dans un emplacement avec une clé B ou M. Nous ne savons par contre pas si son interface est en S-ATA ou en PCI Express et c'est bien dommage, les clés B et M autorisant les deux.
Un cas typique où cela peut poser souci se trouve dans les boîtiers USB 3.x / M.2 pour transformer un SSD en périphérique externe. Ces derniers sont presque toujours limités à du S-ATA et cela n'apparaît pas toujours clairement. Un constat qui évolue, notamment avec l'arrivée du M2X de MyDigital SSD par exemple, mais c'est l'exception qui confirme la règle.
Trois sockets en fonction des usages
Enfin, les PCI SIG et SATA-IO évoquent des Socket 1, 2 et 3. Même si ce terme n'est pas (encore ?) largement utilisé par les fabricants, il n'en reste pas moins important à connaître puisqu'il regroupe les cas d'usages, dont voici les grandes lignes :
•.Socket 1 pour la connectivité (Wi-Fi, Bluetooth, NFC, etc.)
•.Socket 2 pour les cartes WWAN (Wireless Wide Area Network), les SSD et autres
•.Socket 3 pour les SSD exclusivement
Le Socket 1 est donc spécifique à la connectivité (au sens large du terme) et regroupe les modules M.2 avec des clés A, E ou A + E. Trois formats sont possibles sur un Socket 1 : 1630 (16 x 30 mm), 2230 (22 x 30 mm) ou 3030 (30 x 30 mm), sur une ou deux couches dans chaque cas.
Le Socket 2 correspond à une clé B sur la carte mère, qui accepte donc les modules B ou B + M. Il peut être utilisé pour des SSD (avec une clé B + M) allant du format 2230 au 22110, ou bien par des cartes WWAN (modem 3G/4G par exemple). Ces dernières ont obligatoirement une clé B et un format fixe de 30 x 42 mm.
Enfin, le Socket 3 correspond à une clé M sur la carte mère, qui n'accepte que des SSD avec une clé M ou B + M. Les formats autorisés sont les mêmes qu'en Socket 2 (2230 à 22110).
Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons regroupé l'ensemble de ces informations dans un tableau :
CNVi : une architecture spécifique à Intel, exploitant le M.2
Ces derniers mois, le géant de Santa Clara a beaucoup communiqué sur l'intégration à ses plateformes du Gigabit Wi-Fi, qui serait directement géré par le SoC. En réalité, c'est un peu plus compliqué que ça.
Ces puces intègrent une partie fonctionnelle de la connectivité Wi-Fi (logique et mémoire, nommée pulsar). Le reste, comme le traitement du signal ou les fonctions RF, est toujours présent dans une puce externe nommée Companion RF Module (CRF). Une architecture dite CNVi (Integrated Connectivity).
Le module est de type M.2 1216 (12 x 16 mm), plutôt que 2230 (22 x 30 mm) pour une puce Wi-Fi classique. Ainsi, la Wireless-AC 9650 est proposée dans ces deux formats. Dans le cas du CRF une interface propriétaire nommée CNVio est utilisée. Inspirée du DPHY de l'alliance MIPI, on sait assez peu de choses sur elle, si ce n'est qu'elle fonctionne à 1 280 MHz.
S-ATA ou PCIe ? Les cartes mères acceptent parfois les deux
Le M.2 propose donc de très nombreuses possibilités, que le PCI SIG essaye de regrouper par thème avec les sockets, mais cette information n'est pas suffisamment souvent mise en avant. Dans tous les cas, il y a un risque de se mélanger les pinceaux lors de l'achat d'un SSD M.2 à installer sur sa carte mère.
En effet, même si un SSD rentre physiquement dans un emplacement M.2, cela ne signifie pas obligatoirement qu'il fonctionnera dedans : il faut que les deux « parlent » le même langage : S-ATA ou PCI Express.
Par exemple, si votre SSD clé B + M fonctionne en S-ATA, mais que l'emplacement (B ou M, peu importe) de votre carte mère ne prend en charge que le PCI Express, le SSD ne fonctionnera pas. C'est également valable dans le cas contraire avec un SSD PCIe sur un emplacement S-ATA uniquement.
Notez que certaines cartes mères sont capables d'accueillir aussi bien un SSD S-ATA que PCI Express sur un même emplacement M.2 ; elles s'adaptent automatiquement. Ce n'est par contre pas une généralité, y compris au sein d'une même famille de produits.
Un exemple parlant avec des cartes mères X370 et B350 (socket AM4 pour processeurs AMD) de chez ASRock :
Les petites « astuces » à connaitre
Lorsque les premiers SSD PCIe (sous forme d'une carte d'extension) sont arrivés sur le marché, les cartes mères ne pouvaient bien souvent pas booter dessus. Dans les UEFI modernes, c'est généralement le cas, mais il faut parfois penser à activer cette option. Le cas échéant, il faudra plonger dans la documentation du fabricant pour trouver où elle se trouve.
Brancher un SSD ou une carte M.2 sur un des emplacements de votre carte mère peut également désactiver certains ports. Il n'est en effet pas rare qu'un emplacement M.2 en PCIe soit partagé avec un emplacement PCIe de la carte mère. Dans ce cas, il n'est possible d'utiliser que l'un ou l'autre, pas deux à la fois. Idem pour du M.2 S-ATA et les ports S-ATA.
Sachez ensuite que les SSD M.2 en PCI Express ont tendance à chauffer. Les fabricants de cartes mères proposent parfois des radiateurs (ou ventirads) pour les refroidir, et cela peut faire la différence. Une température élevée n'est pas sans conséquence : elle peut entrainer une baisse notable des performances.
Attention à la bande passante du M.2 en PCIe
Ce n'est pas tout. Dans certains cas, un emplacement PCIe de la carte mère verra sa bande passant diminuer lorsqu'un SSD M.2 PCIe est branché. Ainsi, un port PCIe 3.0 x16 peut finalement passer en 3.0 x8 lorsqu'un SSD M.2 est installé.
Là encore, la documentation du fabricant permet de savoir de quoi il en retourne exactement pour votre modèle, mais au moment de l'achat, il n'est pas dit que ce détail sera bien porté à l'attention du client. Dans le même registre : un emplacement M.2 en PCIe sur une carte mère n'est pas obligatoirement câblé en PCIe 3.0 x4, et cela peut même dépendre du processeur installé. C'est le cas sur la carte AB350M Pro4 (AM4) d'ASRock pour ne citer qu'elle.
Si la bande passante de l'emplacement M.2 est bien de 32 Gb/s (PCIe 3.0 x4, soit 4 Go/s) avec un CPU Ryzen (Summit Ridge, Raven Ridge and Pinnacle Ridge), elle descend à « seulement » 16 Gb/s (PCIe 3.0 x2, soit 2 Go/s) avec un APU A-Series d'AMD. On passe du simple ou double simplement en fonction du processeur.
Pour rappel, les SSD M.2 PCIe actuels sont largement capables de dépasser les 2 Go/s, aussi bien en lecture qu'en écriture, les plus rapides dépassant même les 3 Go/s. Pour un usage classique ce ne sera pas forcément un problème, mais un utilisateur qui exploite tout le potentiel de son SSD devra être attentif à ces détails.
Pire encore sur la Fatal1ty X370 Gaming K4 qui dispose de deux emplacements M.2 PCIe clé M. La bande passante du premier est de 32 ou 16 Gb/s suivant le processeur, tandis que celle du second n'est que de 10 Gb/s (soit 1,25 Go/s), car il n'est câblé qu'en PCIe 2.0 x2. Des limitations qui concerne de nombreux modèles, chez tous les constructeurs.
Des modules pour tous les usages, des adaptateurs à tire-larigot
Vous l'aurez compris, entre les différentes largeurs, longueurs, épaisseurs, clés et interfaces, il existe des dizaines de possibilités, ce qui est à la fois une force et une faiblesse du M.2.
Une faiblesse tout d'abord, car il peut être difficile de s'y retrouver et le risque d'acheter un SSD M.2 incompatible avec sa carte mère ou un boîtier USB existe pour le grand public. Ensuite, il convient de bien séparer d'un côté les SSD M.2 S-ATA et de l'autre les M.2 PCI Express exploitant le protocole NVMe, les performances n'ayant rien à voir.
Or, les fabricants de SSD se lancent parfois dans une surenchère de termes marketing plutôt que miser sur la clarté de ce qu'ils proposent avec leurs produits ; prudence donc avant d'acheter.
La SST-ECM20 de Silverstone peut accueillir deux SSD M.2 2230 à 2280 : un S-ATA (clé B) et un PCIe x4 (clé M)
Le M.2 est aussi une force car, au-delà des SSD et des autres cartes Wi-Fi/Bluetooth, il existe une multitude d'adaptateurs et modules en tout genre pour des usages très variés. Citons par exemple des cartes M.2 avec des ports USB 3.x, d'autres avec un port Ethernet Gigabit, des modules avec un connecteur SD Card pour les appareils compatibles SDIO, etc.
Enfin, il existe une multitude de cartes PCI Express avec un ou plusieurs emplacements M.2 (clé B ou M, PCIe ou S-ATA suivant les cas). Elles permettent d'utiliser des SSD rapides sur des machines dépourvues d'emplacement M.2, ou bien d'en installer plusieurs, permettant parfois de monter une grappe RAID et ainsi multiplier les débits.
Par rapport aux mSATA/mPCIe, on a donc gagné en flexibilité et en performances, au prix d'une complexité accrue. Il ne nous reste donc plus qu'à attendre du futur M.3 qu'il gomme toutes ces frictions potentielles.